Il y a deux sortes de rencontres. Celles que l'on oublie et les autres. Ma rencontre avec Quentin appartient à la seconde catégorie. Notre histoire ne fut pas heureuse ; à vrai dire, je ne sais même pas s'il y eut, entre nous, assez de matière pour parler d'une histoire qui puisse être la nôtre. En dépit des rares fois où se sont croisés nos chemins, nous n'avons jamais vécu autre chose que deux histoires séparées. De celle de sa courte existence, j'ai été l'invisible et fidèle figurant ; dans la mienne, il s'est maintenu au rang de personnage principal. Il fut à l'origine de déceptions innombrables et programmées, de calculs infinis et de cruautés coupables. Fallait-il que la mort nous sépare, pour que l'amour qu'il m'avait un jour refusé devienne la source inespérée de mon réconfort ?
Catherine est arrivée seule sur une île de la mer Tyrrhénienne. Retenu en France par un imprévu, Christian la rejoindra plus tard. Ce séjour, à l'endroit même où ils ont jadis effectué leur voyage de noces, doit célébrer leurs trente ans de mariage.
Mais au-delà du symbole, du romantisme un peu nostalgique, que cache ce retour ?
Au gré d'une attente interminable et caniculaire, des bribes de son passé, pareils aux morceaux d'un miroir brisé, lui reviennent peu à peu, lui renvoyant le reflet d'une femme qu'elle ne reconnaît plus.
Heureusement, demain, Christian sera là, et tout rentrera dans l'ordre.
N'est-ce pas ?